La technologie et la science médicale ont fait un long chemin, cependant les spécialistes qui s’occupent de patients atteints d’escarres de décubitus savent que certaines plaies ne guérissent pas et que la cicatrisation est un but irréaliste. Les soins palliatifs offrent une alternative qui se concentre sur le contrôle des symptômes tout en favorisant une meilleure qualité de vie aussi bien pour le patient que pour sa famille.
Les stratégies pour le soin des plaies incluent des horaires de déplacement du corps, des instruments pour une redistribution de la pression, un soutien nutritionnel, la gestion de la douleur, une gamme de pansements ainsi qu’un éventail de procédures chirurgicales. Certains patients, à cause d’une pathologie sous-jacente ou de préférences personnelles, ne tolèrent pas une ou plusieurs de ces mesures. Par exemple, le déplacement et le positionnement constituent une pratique douloureuse pour les patients atteints d’un cancer métastatique. Le repositionnement peut être limité chez certains patients avec de graves contractures, une obésité morbide ou des appareils pour le maintien des fonctions vitales. Les patients atteints de maladies aux poumons, d'insuffisance cardiaque congestive, équipés d'appareil de ventilation mécanique ou alimentés par sonde doivent avoir la tête de lit surélevée, ce qui réduit la mobilité et augmente la pression et les contraintes de cisaillement dans la région sacrée. Le traitement des plaies par pression négative (TPN) pour les personnes souffrant de malnutrition comporte le risque de faire chuter davantage l'albumine de sérum et d'accroître le troisième secteur, ce qui interrompt l'apport d'oxygène et de nutriments et empêche la guérison.
Les escarres de décubitus peuvent également annoncer le stade terminal d’une maladie. Vue la croissance continue du nombre de personnes atteintes de maladies chroniques, il est de plus en plus évident que les bénéfices d’un traitement curatif sont limités. C’est là que le traitement palliatif offre une alternative aux interventions agressives pour la guérison des plaies, en se concentrant davantage sur la stabilisation des plaies, la gestion des symptômes et le bien-être du patient.
Néanmoins, les concepts palliatifs ne sont pas encore entrés en profondeur dans le monde des soins des plaies. Les procédures chirurgicales telles que le débridement chirurgical au lit du malade, les interventions opératives avec tentative de reconstitution par lambeau et les greffes de peau sont trop souvent effectuées lorsque les chances de guérison sont maigres ou inexistantes. Les débridements opératifs sont souvent effectués sans communiquer aux familles que les chances réelles de guérison sont minces.
Le marché des soins des plaies est un secteur en rapide expansion évalué actuellement à plus de 18 milliards de dollars. Le nombre de produits pour le traitement des plaies sans preuve de leur efficacité est déroutant, même au sein des populations en bonne santé. Le traitement des plaies par pression négative (TPN) est un traitement onéreux qui s'oriente vers la guérison et il est trop fréquemment utilisé en situations où le traitement est sans espoir. C'est l'occasion de démontrer qu'une intervention agressive est souvent vaine, et les soins palliatifs alternatifs peuvent réduire la douleur et les souffrances inutiles ainsi que les frais de santé.
Les soins palliatifs des plaies impliquent le contrôle des symptômes et la stabilisation des plaies existantes tout en prévenant la formation de nouvelles plaies et les complications dues à l'infection. Alors que de nombreuses modalités sont actuellement utilisées, la liste des médicaments palliatifs doit être explorée pour une efficacité optimale et un abaissement des coûts. Il est nécessaire de continuer la recherche afin de définir à quel moment une plaie n'est plus sensée guérir et dans quelles situations cliniques les soins palliatifs peuvent être proposés. Les sous-spécialités chirurgicales ainsi que les spécialistes des soins palliatifs doivent être formés afin de pouvoir reconnaître quand une procédure médicale est superflue et quand envisager d'informer le patient et la famille sur l'état réel des choses.
Une stratégie utile serait la cogestion des plaies chroniques, c'est-à-dire une collaboration entre les spécialistes en gériatrie ou en soins palliatifs et l'équipe chirurgicale. Ce modèle s'est démontré efficace pour les tumeurs et les fractures de la hanche et pourrait facilement et efficacement s'appliquer aux plaies chroniques.
Faire équipe avec le patient et sa famille pour envisager une approche palliative aux plaies chroniques plutôt qu'un plan agressif visant à la guérison peut réduire potentiellement la souffrance, éviter des procédures douloureuses et éliminer les hospitalisations répétées. La recherche devrait porter ce concept à un niveau supérieur.
Source : Geripal September 25, 2017 Palliative Wound Care: A New Frontier by Jeffrey M. Levine MD, AGSF, CWS-P