Soin des plaies : l’application de la technologie numérique dans la pratique quotidienne n’est pas une utopie. Voici ce que l’on peut faire pour y parvenir.
1- Incorporer la prévention, l’évaluation et les protocoles thérapeutiques dans le flux opérationnel clinique.
Il existe de très nombreuses approches formatives, diagnostiques et thérapeutiques dans le domaine du soin des plaies. Voici pourtant certains protocoles sur lesquels concordent la majorité des experts :
- Évaluer et optimiser les facteurs nutritionnels (et le taux de glucose pour les diabétiques)
- Garantir une circulation adéquate ainsi que des perfusions pour les patients à risque (en particulier avant un traitement par compression ou un débridement chirurgical agressif)
- Soulager la pression et réduire au minimum le frottement et le cisaillement autour de la plaie
Cependant, leur mise en pratique est souvent une question de chance à cause de la multitude de facteurs (absence de formation spécialisée, manque de temps et autres ressources, observance des patients ou pratique clinique médiocre). L’incorporation de protocoles concordés dans le flux opérationnel clinique offre potentiellement une amélioration du niveau d’instruction et des résultats pour ce qui est du soin de la peau, des plaies et des brûlures.
Mais de tels protocoles mis en œuvre à très grande échelle risquent d’augmenter le temps nécessaire à leur documentation, au détriment des soins eux-mêmes, et de rendre rébarbatifs les dossiers médicaux électroniques. Nous assistons heureusement à l’émergence des « flux opérationnels intelligents » capables de mettre en évidence de façon dynamique les protocoles importants pour chaque patient en fonction de leurs caractéristiques, de leur passé médical, de la position de la plaie et de la progression de la cicatrisation, ignorant les facteurs considérés sans importance. L’apprentissage automatique permet à de tels systèmes d’apprendre et de s’améliorer avec le temps.
La technologie des dossiers médicaux électroniques fonctionne de mieux en mieux pour les cliniciens spécialisés dans le soin des plaies. Elle permet une plus grande efficacité dans de nombreux domaines en réduisant le temps global passé sur la documentation. Par exemple, les plateformes d’imagerie numérique sont plus précises que la mesure manuelle des plaies et importent les images et les caractéristiques des plaies directement dans les dossiers médicaux numériques.
Ces flux opérationnels intelligents sont testés auprès de certaines structures particulièrement innovantes et les protocoles cliniques ont déjà été incorporés dans les flux opérationnels utilisés par des cliniciens du monde entier. Cela profite principalement aux organisations qui ont adopté une documentation mobile intégrée car elles ont une probabilité majeure d’utiliser cet outil tout en traitant activement le patient (consultation rapide des meilleures pratiques modernes et des différents aspects cliniques pendant une session de soin) au lieu de tout documenter par la suite. Alors que les dossiers médicaux numériques traditionnels s’efforcent d’offrir un soutien aux décision cliniques au sein des systèmes existants, de telles applications seront constamment personnalisées et à la portée des cliniciens, au bénéfice du patient.
2- Nouveau produit : tests objectifs, adoption et production de preuves.
Lorsqu’une compagnie propose un nouveau produit, il peut se produire une ou plusieurs de ces situations au cours des tests :
- Les patients ont reçu les mauvaises instructions ou ne se sont pas occupé d’autres conditions qui entravaient la guérison (décharge de la pression, troubles vasculaires, débridement, etc.) ;
- Les patients ont reçu les correctes instructions mais aucun suivi formel des résultats n’a été effectué ;
- Les patients ont reçu les correctes instructions mais les échantillons ont été distribués à de trop nombreux patients/plaies/cliniciens et il est donc impossible d’obtenir des conclusions objectives (l’évaluation n’est pas suffisamment constante, trop de variables) ;
- L’administration refuse d’acquérir le produit par manque de preuves réelles et incontestables.
Il en résulte une perte de temps et de ressource. Mais l’adoption du numérique peut aider à résoudre ce problème. L’utilisation d’outils d’évaluation objectifs et rapides, accompagnés de tutoriels, sur des patients correctement sélectionnés, avec une préparation appropriée du lit de la plaie et une application adéquate du produit, conduit à un scénario bénéfique pour tous les acteurs concernés. Dans certains cas, les patients eux-mêmes pourront, à travers une application dédiée, fournir des retours d’information sur la qualité de vie et sur des indicateurs de guérison tels que des changements dans l’intensité de la douleur. À la fin de la période de test (voire en temps réel), les cliniciens et les administrateurs de l’établissement visionnent les comptes-rendus sur l’impact (ou l’absence d’impact) de certains traitements sur leur propres patients.
Lorsque toutes les parties sont en accord, les données anonymes des patients sur ces « micro tests » (1 ou 2 patients) peuvent être partagées avec les entreprises productrices et, combinées avec celles d’autres micro tests, de tests cliniques traditionnels et d’autres sources d’information, peuvent fournir des preuves réelles en soutien aux petits tests cliniques traditionnels soumis, ces dernières années, à une surveillance accrue.
3- Réduire le besoin de diagnostics onéreux et loin du lieu d’intervention (laboratoires, centres d’imagerie, etc.)
Le numérique, et par conséquent l’évaluation et l’utilisation d’outils diagnostiques sur le lieu d’intervention, limite le recours à des laboratoires, à des centres d’imagerie externes et à des procédures invasives nécessaires à certains diagnostics, et réduit les temps d’attente des résultats. Il existe une multitude de solutions (appareils automatiques pour la mesure de l’index de pression systolique cheville/bras, spectro-imagerie, détection précoce des ulcères de pression, tests pour biomarqueurs et visualisation des bactéries) capables de fournir, sur le lieu d’intervention, les informations nécessaires aux prises de décision initiales, sans devoir attendre des jours, voire des semaines, pour obtenir des rendez-vous externes et recevoir les résultats. La plupart de ces solutions sont de nature numérique et peuvent être connectées et intégrées aux dossiers médicaux électroniques afin de garantir une transmission rapide et précise et l’insertion des résultats dans le programme thérapeutique du patient.
4- Télémédecine : améliorer la continuité des soins et les revenus.
Aux États-Unis, un système de codification s’occupe de la gestion à distance des soins pour pathologies chroniques, des soins transitoires, du suivi des patients ainsi que de certaines consultations directes de télémédecine. Ces services peuvent être, pour la plupart, fournis par du personnel externe du même secteur (par exemple un infirmier) et comprennent les activités de routine des spécialistes du soin des plaies (coordination des soins avec d’autres professionnels et d’autres structures, analyse des résultats, communication avec les patients et avec les familles, etc.).
Autrefois, ce système codifié de télémédecine et de suivi à distance nécessitait d’équipements informatiques contraignants. Aujourd’hui, grâce à des outils d’analyse portatifs qui s’intègrent facilement dans le système des dossiers médicaux électroniques, nous assistons à une augmentation de l’utilisation des codes de la part des spécialistes du soin des plaies, mais aussi de la part d’autres professionnels qui s’occupent de patients atteints de plaies chroniques (premiers soins, endocrinologie, maladies infectieuses).
En plus des revenus générés par la rémunération à l’acte, les organisations qui ne courent pas après ce type de rémunération adoptent la médecine numérique également pour le suivi à distance des patients atteints de plaies. Permettre aux patients de transmettre des informations relatives aux changement de dimension de la plaie, à la température, à l’appétit et au respect des consignes thérapeutiques, et insérer ces informations directement dans le dossier médical électronique de l’organisation concernée afin qu’elles soient analysées par le personnel médical, offre d’incroyables avantages financiers et un immense apport qualitatif comparé à ceux qui attendent une visite en personne chez le praticien pour obtenir un traitement ou un changement dans le programme thérapeutique.
Le suivi à distance et le traitement à distance des patients atteints de plaies chroniques est un usage optimal de la télémédecine, et les outils existent déjà pour faciliter ce type de service − avec de nouvelles solutions qui voient le jour chaque année. La possibilité d’obtenir des informations objectives de la part des patients et de communiquer avec les patients de chez eux, d’analyser, d’effectuer et d’enregistrer un nombre croissant d’activités pertinentes au moyen d’une technologie mobile stockée sur le cloud, rend plus facile que jamais pour les prestataires la réalisation d’un retour sur investissement tangible dans le secteur du soin des plaies grâce à l’utilisation d’outils de médecine numérique.
Source : Today’s Wound Clinic; 4 Ways to Integrate Digital Health into the Wound Center Today; Volume 13 Issue 4 - April 2019 Pages: 9-10 Rafael Mazuz, MBA