Le BCP change l’expression génétique dans la peau lésée
Afin de mieux prédire les voies à travers lesquelles agit le BCP, des analyses de séquençage de l’ARN et transcriptomiques ont été effectuées. La peau de souris a été traitée au BCP ou à l’huile 17 à 18 heures après la lésion. Une analyse transcriptomique de souris sans lésion (groupe NT) a également été effectuée afin de déterminer quels étaient les changements de l’expression génétique provoqués par la lésion elle-même.
Lorsque la comparaison a été faite entre le groupe traité au BCP et le groupe NT, puis entre le groupe traité à l’huile et le groupe NT, les modèles d’expression génétique du groupe BCP et du groupe huile étaient similaires (38 gènes en commun parmi les 50 plus significatifs). Cela suggère que ces gènes en commun pourraient être les gènes modulés lors d’une lésion cutanée.
La comparaison entre le groupe BCP et le groupe huile a montré des différences significatives dans l’expression génétique de ces deux groupes. Le traitement au BCP a, de façon significative, régulé positivement un grand nombre de gènes ; les 50 dont l’expression a le plus changé sont présentés dans le tableau 1. 20 % des gènes régulés positivement codent pour les kératines (Krt) ou les protéines associées à la kératine.
Les gènes Krtap sont exprimés dans les cellules du cortex pilaire, là où a été observée une augmentation du nombre de cellules BrdU+. En plus du rôle probable du BCP dans l’amélioration de la ré-épithélialisation, ce résultat suggère également la possibilité que l’exposition au BCP favoriserait une régénération cutanée ainsi qu’une néogenèse capillaire plus complètes. Les quarante restants sur les 50 principaux gènes régulés positivement codent pour des fonctions dans la migration cellulaire (par exemple Adamts), la détermination du destin cellulaire et la formation des follicules pileux (Bambi, Msx2, Dlx3, Padi1, Hoxc13, S100a). Ces résultats suggèrent globalement que le BCP agit sur la production des cellules souches des follicules pileux et sur la régénération cutanée afin de favoriser la cicatrisation. Suite à l’analyse transcriptomique, un examen a été effectué afin de déterminer si le traitement au BCP influence les gènes marqueurs des cellules souches des follicules pileux. Les marqueurs des bulbes des follicules pileux Gli1, Lgr5, et Sox9 ont été régulés positivement de façon significative dans le groupe BCP.
Le marqueur de l’infundibulum du follicule pileux Lrig1 était également régulé positivement de 40 %. Ces résultats suggèrent que le traitement au BCP peut stimuler la production de cellules souches des follicules pileux.
La phase inflammatoire de la cicatrisation commence immédiatement après la lésion et les niveaux de cytokine pro-inflammatoire ont généralement un pic après 10 ou 20 heures, pour ensuite baisser sur une période de 2 jours. Les neutrophiles sont la source principale de cytokines. Après observation des lésions 17 à 18 heures après la blessure, parmi les cytokines pro-inflammatoires, les gènes IL-1β et IL6 présentaient une régulation négative significative dans le groupe BCP (Tableau 2). On peut en déduire que le traitement au BCP a réduit l’inflammation aiguë après l’excision cutanée . Des études montrent qu’il y a une reprise des cytokines inflammatoires après 3 jours, lorsque les fibroblastes migrent et que de nouveaux tissus de granulation se forment, ce qui suggère que, pendant la phase de « reprise », les cytokines peuvent jouer un rôle dans le remodelage de la plaie. L’expression des cytokines pro-inflammatoires IL-1β et TFNα a été examinée sur du tissu prélevé 4 jours après l’excision. L’expression de IL-1β était particulièrement forte dans le lit de la plaie des souris traitées au BCP. L’expression de IL-1β était 1,7 fois plus élevée et celle de TNFα 2,0 fois plus élevée dans le lit de la plaie du groupe traité au BCP par rapport au groupe traité à l’huile.
L’apoptose est présente au cours de diverses phases de réparation tissulaire et son rôle principal est d’éliminer les cellules indésirables. Si on élimine l’inflammation aiguë immédiatement après la lésion, on peut s’attendre à ce que le taux d’apoptose soit réduit dans le groupe BCP. Lors d’une expérience avec le protocole TUNEL pour détecter les cellules apoptotiques. Les cellules TUNEL+ étaient abondantes dans le lit de la plaie des deux groupes, comparé à la région non lésée. Cependant, le marquage TUNEL était plus intense dans le groupe traité à l’huile (intensité de couleur 2,0 fois supérieure). Dans le groupe BCP, les cellules TUNEL+ étaient présentes au fond de l’épiderme et du derme proches du bord de la plaie. Ces résultats suggèrent que, dans le groupe BCP, les cytokines pro-inflammatoires sont inhibées immédiatement après la blessure, ce qui peut avoir provoqué une réduction de l’apoptose 4 jours après la blessure. Bien que l’expression des cytokines pro-inflammatoires soit inhibée dans le groupe BCP pendant la phase précoce, elle s’exprime davantage que dans le groupe traité à l’huile au jour 4 après l’excision, c’est-à-dire pendant la phase de prolifération cellulaire. Des études plus approfondies seront nécessaires afin de déterminer avec précision les rôles de ces cytokines dans les différences observées pendant la cicatrisation sur les deux groupes.
La différence d’expression du gène CB1 entre les deux groupes n’était pas significative, alors que le gène CB2 était étonnamment régulé négativement dans le groupe BCP, 17 à 18 heures après la lésion cutanée.
De récentes études ont montré que les canaux de potentiel de récepteur transitoire (TRP) sont activés par certains composés phytochimiques. L’expression des gènes liés aux canaux TRP ont montré que TRPM1,TRPM6, TRPV4 et TRPV6 étaient régulés négativement alors que TRPM2 et TRPM3 étaient régulés positivement dans le groupe BCP (Tableau 3). Il est important de noter qu’un nombre croissant d’articles montre le rôle des canaux TRP dans l’initiation de perception de la douleur et de la démangeaison ainsi que dans l’homéostase épidermique et dans la régulation des follicules pileux, ce qui suggère que les canaux TRP agissent comme « récepteurs ionotropiques des cannabinoïdes ». Parmi eux, le TRPV4 montre une régulation positive significative et se superpose avec les canaux TRP présentant un changement significatif après exposition au BCP. Le TRPV4 s’exprime en divers types de cellules, dont les neurones sensoriels, et est considéré canal mécanosensible et osmosensible. Les canaux TRP pourraient donc être impliqués dans l’amélioration de la ré-épithélialisation par BCP.
Le logiciel Ingenuity pathway analysis ® (IPA ® ) a été utilisé avec les résultats de l’expression génétique. Dans la comparaison, les voies de signalisation liées à l’inflammation et au système immunitaire (TREM1) ont été inhibées dans le groupe BCP. Les gènes qui encodent les fonctions de prolifération et migration des cellules (par exemple la voie de signalisation Sonic Hedgehog, la polarité cellulaire planaire, la voie de signalisation du facteur de croissance des fibroblastes et la voie de signalisation des protéines Wnt via la bêta-caténine) ont été activés dans le groupe BCP. Le tableau 4 résume les gènes de ces voies de signalisation dont la régulation positive ou négative a changé de façon significative dans le groupe BCP. Dans chacune de ces voies, certains gènes ont vu leur expression changer considérablement. Ceux-ci pourraient être les gènes principaux influencés par le BCP : hhip, shh et cdc14a dans la voie de signalisation Sonic Hedgehog, fzd5, wnt5a, 10b, 11 dans la voie de signalisation de la polarité cellulaire planaire, fgf22, fgf23 et pik3r3 dans la voie de signalisation du facteur de croissance des fibroblastes, et wnt5a, 10b, 11, wfi1, sox4 et lef1 dans la voie de signalisation des protéines Wnt via la bêta-caténine. Chez l’adulte, la signalisation Hedgehog est impliquée dans l’hémostase épidermique, c’est-à-dire le cycle pilaire et la repousse des poils. GLI1 est exprimé dans le bulbe du follicule pileux et, lorsque Sonic Hedgehog, sécrété par les neurones sensoriels autour du bulbe du follicule pileux, stimule les cellules Gli1+ dans la région supérieure du bulbe, les cellules Gli1+ se convertissent en cellules souches multipotentes qui migrent vers l’épiderme et contribuent à la cicatrisation en devenant des cellules souches épidermiques. La voie de polarité cellulaire planaire est impliquée dans les mouvements collectifs et dirigés des cellules pendant la réparation cutanée de la plaie et coordonne les directions de la migration cellulaire. Des études menées sur des souris transgéniques ont montré que l’un des rôles des voies de signalisation du facteur de croissance des fibroblastes est la prolifération des kératinocytes. Les résultats de l’expression génétique suggèrent ici que l’exposition au BCP active les voies et améliore 1) la conversion des cellules souches du bulbe du follicule pileux en cellules souches épidermiques, 2) la prolifération des cellules kératinocytes, 3) le mouvement coordonné et dirigé des cellules, ce qui peut avoir contribué à une meilleure ré-épithélialisation après exposition au BCP.
Impact du BCP selon le sexe
Tous les résultats indiqués jusqu’ici se basent sur des expériences conduites sur des souris femelles. Des études précédentes ont montré des différences de morphologie et de physiologie de la peau de souris selon le sexe. Les femelles ont un épiderme 40 % plus épais que les mâles. De plus, les récepteurs des androgènes ont une influence inhibitoire sur la cicatrisation chez les mâles, ce qui peut réduire l’impact du BCP.
Les influences du BCP sur la cicatrisation chez des souris mâles sont similaires à celles sur des souris femelles et les tests (marquage au K14) n’indiquent pas de différences statistiquement significatives dans la ré-épithélialisation entre le groupe BCP et le groupe traité à l’huile chez les mâles. Soit les mâles ont besoin d’une concentration majeure de BCP pour induire un effet, soit le BCP n’influence pas du tout les mâles ; seules des études futures pourront l’établir. Il est reconnu que les stéroïdes sexuels influencent la cicatrisation : les récepteurs des androgènes inhibent la cicatrisation alors que les récepteurs des œstrogènes l’accélèrent. Chez les mâles, la ré-épithélialisation dans le groupe de contrôle est similaire à celle des femelles, ce qui suggère que les hormones sexuelles n’ont pas inhibé la ré-épithélialisation chez les mâles.
La troisième et dernière partie de cette étude traitera des récepteurs olfactifs et des impacts synergétiques.