L’absence d’un traitement adéquat pour les escarres demeure l’un des problèmes de santé publique les plus importants à ce jour. Les escarres affectent plus de 6,5 millions de personnes aux États-Unis et sont associées à une morbidité, un coût et une souffrance non négligeables. À mesure que la prévalence du diabète, de l’obésité et des maladies cardiovasculaires continue d’augmenter, on s’attend à ce que le traitement des escarres devienne de plus en plus conséquent. Les escarres sont définies comme des lésions cutanées et/ou des lésions tissulaires sous-jacentes localisées au-dessus d’une proéminence osseuse, résultant de la force de pression et/ou de la pression combinée au cisaillement. Elles sont souvent très astreignantes pour les prestataires de soins, car leur guérison nécessite une approche multidisciplinaire et des semaines, voire des mois de schémas thérapeutiques complexes. Bien qu’il soit préconisé de mesurer les niveaux sanguins avant de commencer toute administration de suppléments aux patients, actuellement la gestion nutritionnelle de presque tous les patients présentant des escarres inclut l’administration de vitamine A, de vitamine C, de zinc, et d’arginine. Cependant, il n’existe aucune étude hautement fondée qui en confirme les avantages. De nombreux patients ingèrent ces vitamines et nutriments essentiels en quantité suffisante dans le cadre de leur alimentation. L’administration de ces suppléments augmente non seulement le coût des soins de santé, mais peut produire des effets secondaires nocifs. Cette étude vise à déterminer si les patients atteints d’escarres sont surtraités en vitamines A et C, zinc et arginine. En outre, les auteurs ont cherché à identifier des corrélations entre les niveaux d’albumine, de préalbumine et de vitamines.
L’étude comprenait 20 patients, âgés de 18 à 90 ans, présentant des escarres de stade 4, de toute taille, sur le sacrum, les hanches ou les talons. Les patients sélectionnés n’avaient pas reçu de supplémentation en vitamine A, vitamine C, zinc, et/ou arginine. Un prélèvement sanguin a été effectué pour déterminer l’état nutritionnel et les niveaux de vitamines A et C, zinc, arginine, albumine et préalbumine. Un rapport de cotes (OR) a été employé pour évaluer l’association entre la carence vitaminique et le statut d’albumine/préalbumine. Un OR supérieur à 1 indique une association positive tandis qu’un OR inférieur à 1 indique une association négative. De plus, un test exact de Fisher a été effectué pour tester la portée de ces associations.
Résultats
L’OR de la carence en vitamine A vs la carence en albumine était 0,27 (IC à 95 %, 0,004-3,68), ce qui signifie que les chances de présenter une carence en albumine (albumine < 3,2 g/dL) chez les patients souffrant de carence en vitamine A (vitamine A < 0,3 mcg/dL) étaient 0,27 fois celles des patients sans carence en vitamine A (c’est-à-dire inférieures à 73 %). Pour la préalbumine, l’OR était 23,0 pour les patients avec carence en vitamine A, suggérant que pour eux, les chances de présenter une carence en préalbumine étaient 23,0 fois supérieures que chez les patients sans carence en vitamine A.
Pour la carence en zinc vs la carence en albumine, l’OR était 25,67 (IC à 95 %, 1,2-568,9), ce qui signifie que les chances de présenter une carence en albumine chez les patients présentant une carence en zinc étaient 25,67 fois supérieures à celles des patients sans carence en zinc (supérieures à 240,67 %). Bien qu’elles ne soient pas aussi élevées, les chances de présenter une carence en préalbumine étaient également supérieures chez les patients présentant une carence en zinc que chez les patients sans carence en zinc, (OR à 1,47).
Pour l’arginine, les résultats ne sont pas statistiquement significatifs, mais ils indiquent que les chances de présenter une carence en albumine chez les patients présentant une carence en arginine étaient 1,09 fois supérieures à celles des patients sans carence en arginine. D’autre part, la carence en arginine était moins susceptible d’être associée à une carence en préalbumine (OR à 0,76).
Pour finir, les chances de présenter une carence en albumine chez les patients souffrant de carence en vitamine C étaient 0,62 fois celles des patients sans carence en vitamine C, mais la carence en vitamine C était au contraire plus susceptible d’être associée à une carence en préalbumine (OR à 1,47).
Interprétation
On estime que jusqu’à 50 % des patients hospitalisés souffrent de malnutrition. La malnutrition liée à la prise réduite d’éléments nutritifs, aux comorbidités sous-jacentes, à l’inflammation et aux changements métaboliques liés aux états de morbidité est un facteur qui influence de façon significative le risque d’escarres et la cicatrisation des plaies. Les escarres peuvent se présenter sous forme de peau intacte ou d’une plaie ouverte douloureuse généralement située sur les régions dorsale, sacrale, coccygienne, fessière et sur les talons. Bien que la prévention des escarres nécessite des soins complexes et multidimensionnels, les patients hospitalisés bénéficient d’interventions axées sur l’amélioration de la nutrition buccale afin d’améliorer la cicatrisation des plaies et de réduire le risque d’escarres. On estime que la supplémentation en vitamine C dans le traitement des plaies a un impact sur la formation de collagène, sur l’immunomodulation et sur la fonction antioxydante, mais l’étude actuelle a constaté que l’OR de la carence en vitamine C vs la carence en albumine est de seulement 0,62. La question est de savoir si les patients souffrants de carences nutritionnelles et présentant des plaies en voie de guérison devraient recevoir une supplémentation en vitamine C avant d’en avoir vérifié les taux sanguins, sachant qu’un surdosage de vitamine C peut provoquer diarrhée, nausées, vomissements, brûlures d’estomac, crampes abdominales, maux de tête et insomnie.
De même, la vitamine A est considérée comme utile dans la cicatrisation des plaies, en particulier chez les patients qui présentent une carence documentée ou qui ont une consommation inadéquate d’aliments riches en vitamine A. Cette étude a cependant révélé que la carence en vitamine A est moins susceptible d’être associée à une carence en albumine. Il est donc probable que de nombreux patients hospitalisés présentant des escarres soient surtraités en vitamine A, or l’excès de vitamine A peut provoquer des symptômes tels que troubles de la vision, douleurs osseuses, troubles cutanés, lésions hépatiques et augmentation de la pression intracérébrale.
D’autre part, l’étude actuelle a constaté que les patients présentant une carence en zinc avaient 25,67 fois plus de chances de développer également une carence en albumine. Bien que cette forte corrélation semble indiquer qu’il faille supplémenter en zinc les patients présentant des escarres en voie de guérison, il est judicieux de vérifier préalablement les niveaux de zinc, car les niveaux de toxicité du zinc sont associés à une altération des fonctions des neutrophiles et des lymphocytes, une irritation du tube digestif, des nausées, des vomissements et de la diarrhée.
Pour finir, cette étude a prouvé que les patients présentant une carence en arginine étaient plus susceptibles de manifester une carence en albumine. Il convient cependant de noter que la supplémentation en arginine a été associée à des nausées, des vomissements et des anomalies sanguines et devrait donc être pondérée chez les patients présentant des escarres complexes.
Cette étude a été effectuée sur un nombre limité de patients et des études ultérieures sont nécessaires afin de confirmer ces corrélations. Il est de plus en plus important de recueillir des preuves qui déterminent l’efficacité des mécanismes de traitement pour les patients souffrant de plaies chroniques. Seules d’autres recherches seraient à même de révéler si la supplémentation systématique de vitamines chez les patients présentant des escarres et des plaies est, en fait, justifiée.
Source : Woundsearch.com