Un essai est actuellement réalisé avec des virus bactériophages, pour traiter les infections produites par des germes résistants aux antibiotiques.
Faute de nouveaux antibiotiques, il est indispensable de trouver d’autres moyens de combattre les infections bactériennes résistantes aux traitements actuels. Dans ce cadre, une société française de biotechnologies spécialisée dans la recherche et le développement de « bactériophages lytiques à visée thérapeutique » (autrement dit de virus, appelés phages, capables de détruire certaines bactéries) vient d’annoncer une première mondiale. Pherecydes Pharma a en effet lancé, en juillet dernier, un essai clinique baptisé Phagoburn, pour évaluer la tolérance et l’efficacité de deux traitements anti-infectieux à base de bactériophages chez les grands brûlés et pour les comparer à un traitement de référence.
La phagothérapie a été largement employée de façon empirique dans le monde avant la découverte des antibiotiques. Devant les succès indéniables de ces médicaments révolutionnaires, elle a été délaissée, même si certains médecins ont continué à y avoir recours, notamment en Géorgie, en Pologne et en Russie. Mais l’augmentation inquiétante du nombre de bactéries devenues résistantes a incité des chercheurs à s’intéresser à nouveau à cette stratégie. « En Europe, le début de ce renouveau peut être situé en 1994, lorsque l’utilisation de phages pour réduire une infection provoquée par Pseudomonas aeruginosa a démontré son efficacité lors de greffes de peau », précise le laboratoire. Depuis, de nombreuses expérimentations ont conforté l’intérêt de cette thérapie. C’est par exemple le cas de l’équipe de Jean-Damien Ricard (hôpital Louis-Mourier de Colombes) : forte de ses résultats obtenus contre la pneumonie, chez la souris, elle veut désormais passer à l’homme.
Chez les patients brûlés, les infections représentent la première cause de mortalité
L’étude de Pherecydes doit comporter deux groupes de 110 patients, chacun recevant l’un des deux cocktails de bactériophages à tester. Le premier cible les infections bactériennes provoquées par Escherichia coli, le second celles induites par Pseudomonas aeruginosa. Ces deux types d’infections sont souvent extrêmement graves en raison des résistances aux antibiotiques développées par ces deux germes. Les travaux sont coordonnés par l’hôpital d’instruction des armées Percy (à côté de Paris). Il se déroule dans onze centres de grands brûlés en France, en Suisse et en Belgique.
« Chez les patients brûlés, les infections représentent la première cause de mortalité », souligne le Dr Patrick Jault, chef du service d’anesthésie à l’hôpital Percy. « La phagothérapie est une solution prometteuse face aux problèmes de résistance bactérienne », insiste Jérôme Gabard, PDG de Pherecydes Pharma. « Nous voyons notre solution thérapeutique comme une alternative et un complément à l’antibiothérapie. » Et des compléments, les spécialistes vont en avoir de plus en plus besoin. Selon les dernières études, environ 5 % des personnes hospitalisées dans notre pays souffrent d’infections nosocomiales et près de 4 000 en meurent chaque année…
Source : Le Point