Depuis des années, et sans que les chercheurs n’aient vraiment compris pourquoi, des pansements pourvus d’électricité permettent une cicatrisation plus rapide que celle des pansements traditionnels ou des antibiotiques.
Une récente étude a fourni de nouveaux indices scientifiques à ce sujet. Ces pansements appartiennent à une classe thérapeutique appelée électroceutique, c’est à dire qui utilise des dispositifs à impulsions électriques pour traiter des problèmes médicaux tels que les plaies.
Cette étude, dirigée et coécrite par Shaurya Prakash, professeur agrégé en ingénierie mécanique et aérospatiale, et récemment publiée en ligne dans le journal Scientific Reports, est la première de ce genre à observer le fonctionnement de ces pansements électroceutiques.
L’objectif de cette équipe de chercheurs de l’Université d’état de l’Ohio est de guérir les plaies chroniques ou qui ne cicatrisent pas et d’éliminer d’éventuelles infections, mais aussi de comprendre le mécanisme par lequel ces traitements électroceutiques éliminent les bactéries autour de la plaie, accélérant ainsi la cicatrisation.
Les biofilms sont de minuscules communautés de microorganismes − parmi lesquels les bactéries − capables de vivre à la surface de la peau ou d’une plaie. Ces microorganismes s’agglomèrent grâce à des substances polymériques extracellulaires (abrégées en EPS). Ces EPS sont généralement composées de lipides et de protéines et peuvent créer une barrière protectrice qui empêche au options thérapeutiques traditionnelles, y compris les antibiotiques, d’agir sur les bactéries. Par conséquent, même avec un traitement antibiotique traditionnel, certaines infections cutanées peuvent persister et empêcher la cicatrisation.
Cette recherche démontre que des pansements électroceutiques composés des matériaux adéquats peuvent percer cette barrière et détruire les bactéries, accélérant ainsi la cicatrisation. L’équipe a développé un nouveau modèle afin d’étudier les infections des tissus mous et d’en apprendre davantage sur la façon dont ces pansements fonctionnent. Ils se sont servis d’un pansement de soie habotai, un tissage traditionnel japonais, dans lequel ils ont sérigraphié des lignes d’argent reliées à un minuscule dispositif qui décharge de l’électricité sur le biofilm. En appliquant ce pansement électrifié sur un biofilm à charge bactérienne, les bactéries ont été détruites.
L’équipe de recherche a utilisé des microscopes électroniques afin de surveiller les bactéries. Ils ont constaté que le courant électrique perturbait suffisamment le biofilm pour commencer à détruire les bactéries. Ils ont également observé que les bactéries mourraient deux jour après l’interruption du courant électrique. En se basant sur leurs expériences, ils avancent la théorie selon laquelle le pansement et le courant électrique produisent un puissant antimicrobien chimique − l’acide hypochloreux − qui prend le dessus et tue les bactéries sans endommager la peau saine autour de la plaie.
Cette étude a été menée sur des bactéries et des biofilms in vitro, c’est-à-dire dans une boîte de pétri et non sur des personnes ni des animaux. Selon Prakash, ces études préparent le terrain à de nouvelles recherches − expérimentations qui aideront les scientifiques à mieux comprendre comment les biofilms fonctionnent et pourquoi. Cette compréhension fondamentale aidera à améliorer la conception de pansements électroceutiques.
Ces résultats sont prometteurs, mais Prakash affirme qu’il est encore tôt pour crier victoire. Il espère mener d’autres études complémentaires et collaborer avec des microbiologistes de l’Université d’état de l’Ohio afin de mieux comprendre comment ces pansements parviennent à détruire les bactéries là où d’autres options thérapeutiques ont échoué.
Entre temps, Prakash et son équipe ont envoyé quelques prototypes à la faculté de médecine vétérinaire de l’Université d’état de l’Ohio. Des vétérinaires ont utilisé ces pansements pour favoriser la cicatrisation d’une plaie ouverte infectée sur un chien avec une blessure qui ne voulait pas guérir malgré les traitements antibiotiques. Le chien est arrivé à l’université d’état de l’Ohio fin 2017 avec une plaie ouverte et infectée. Après une semaine de pansement électroceutique, la moitié de la plaie avait cicatrisé ; en 11 jours, l’infection était guérie.
Source : Ohio State University & Science Daily; Electrifying wound care: Better bandages to destroy bacteria, March 6, 2019.