Différentes approches pour le traitement des cicatrices hypertrophiques
Thérapie par pression
La thérapie par pression est considérée le principal traitement non invasif pour les CH. Cette thérapie est amplement utilisée dans le monde entier et son efficacité est établie. L’application de pression permet d’obtenir des cicatrices plus petites, une contraction moindre et une surface plus
lisse. On estime que ces résultats sont dus à la restriction du flux sanguin vers les tissus cicatriciels, ce qui entraîne un apport moindre en oxygène, en nutriments et en cytokines impliquées dans la réponse inflammatoire. L’ischémie induit l’enflement mitochondrial et la vacuolisation, ce qui cause aux fibroblastes de réduire leur capacité à synthétiser la MEC. De plus, l’environnement hypoxique induit la libération de prostaglandine E2 et augmente l’expression de la collagénase, ce qui conduit à une dégénérescence des fibres de collagène. En bref, il est possible que l’application de pression dans la phase précoce de la formation d’une CH contribue à réguler la néovascularisation et à réduire l’inflammation dans la zone concernée. Une étude précédente suggérait que la thérapie par pression était plus efficace si effectuée dans les deux mois qui suivent la lésion. Les auteurs recommandent que la pression soit maintenue entre 20 et 30 mmHg, ce qui est supérieur à la pression capillaire. Des pressions supérieures à 30–40 mmHg peuvent provoquer de graves effets indésirables, y compris la macération ou la paresthésie dans la zone concernée.
Silicone
Les traitements à base de silicone permettent de restaurer la fonction barrière du stratum corneum et de réduire la perte d’eau transépidermique (TEWL). En présence d’une plaie profonde, cette fonction est interrompue et la TEWL augmente. Il faut plus d’un an avant qu’elle ne redevienne normale. Une étude in vitro a démontré que les niveaux de cytokine mRNA pro inflammatoire augmentent dans les kératinocytes de culture exposés à déshydratation. Ces cytokines influencent la voie de signalisation pour la production de collagène par les fibroblastes. Cependant, des essais et des cas cliniques ont indiqué que les kératinocytes arrêtent de produire des cytokines de 2 à 3 mois après le traitement au gel de silicone. Ce mécanisme d’action n’est pas totalement déterminé, mais il est probable qu’il implique l’occlusion et l’hydratation du stratum corneum et la subséquente signalisation induite par la cytokine des kératinocytes aux fibroblastes dermiques. D’autre part, Phillips et al. indiquent que le traitement des CH avec un hydratant n’a aucun effet sur l’épaisseur de la cicatrice ou l’érythème. En règle générale, ces résultats suggèrent que l’intervention par simple hydratation est insuffisante pour la réduction d’une cicatrice hypertrophique.
Stéroïdes
L’usage topique de stéroïdes est courant sur les brûlures. Une étude sur des animaux indique que les glucocorticoïdes améliorent la microcirculation cutanée. Chez les souris, les glucocorticoïdes protègent contre l’apoptose des fibroblastes induite par le TNFα. L’application locale d’oxandrolone, un stéroïde anabolisant avec un potentiel de virilisation inférieur à celui la testostérone, a permis une meilleure cicatrisation et une moindre formation de CH dans les oreilles de lapin. L’épiderme est hautement sensible aux lésions et joue un rôle clé pour initier l’inflammation mais aussi
pour la maintenir longtemps après la re-épithélialisation.
Une inflammation prolongée induit la formation de CH et les stéroïdes par application locale sont donc une option favorable. Lors d’une étude clinique, des enfants gravement brûlés (>40 % de la surface totale du corps) ont reçu de l’oxandrolone tous les jours pendant 1 an ; cela a permis une réduction des protéines inflammatoires de la phase aiguë sans hépatotoxicité (effet indésirable de l’usage systémique de l’oxandrolone).
Thérapie laser
Il existe de multiples preuves qu’une intervention précoce au laser en prévention de formation de CH serait bénéfique aussi bien en ce qui concerne la rapidité de réduction de la cicatrice que l’efficacité de la réponse thérapeutique. Du point de vue clinique, il est amplement accepté que le traitement par laser à colorant pulsé (LCP) réduit la formation de CH principalement en réduisant l’angiogenèse. Il a été rapporté que le LCP favorise la souplesse des cicatrices immatures en détruisant de petits vaisseaux sanguins par photothermolyse. Parmi les autres théories figure une réduction de l’activité cellulaire qui résulte de l’anoxie provoquée par le laser ou la collagénolyse par stimulation laser de la libération de cytokine. L’efficacité sur les CH dépend d’une intervention précoce et la réussite est visible après 2 ou 3 traitements effectués à environ 6 semaines d’intervalle,
dans les six mois qui suivent la lésion. L’effet secondaire le plus courant du LCP est un purpura post intervention qui persiste jusqu’à 7-10 jours. Cependant, les effets secondaires graves du LCP sont peu nombreux. Il serait bon de prendre activement en considération l’intervention précoce par LCP car ce traitement est moins invasif. Récemment, l’utilisation de lasers ablatifs basés sur une approche fractionnée est devenue la nouvelle stratégie pour le traitement des cicatrices. On ne connait pas le mécanisme détaillé par lequel le laser fractionné influence le remodelage cicatriciel, mais le resurfacing ablatif fractionné peut influencer la sécrétion de divers cytokines et facteurs de croissance. Il a été montré que le traitement laser fractionné au CO 2 induit une régression des cicatrices hypertrophiques matures dues à une brûlure en supprimant les dépôts de collagènes types I et II, à travers la réduction de l’expression de TGFβ2, TGFβ3 et du facteur de croissance des fibroblastes de base et l’augmentation de l’expression des métalloprotéases-1 matricielles. Ces facteurs pourraient jouer un rôle important dans la régression des CH matures suite à un traitement laser fractionné au CO2. Rodriguez et al. ont développé un modèle de brûlure cutanée au troisième degré chez des cochons Duroc rouges afin de comparer les effets du laser ablatif fractionné au CO 2 et au grenatyttrium et d’aluminium dopé à l’erbium (Er:YAG) dans le traitement des CH suite à une lésion profonde par brûlure. Dans leurs travaux, les changements moléculaires constatés dans les régions du remodelage dermique indiquent que les métalloprotéases matricielles (MMP)-2, MMP-9 et la décorine (DCN) jouent un rôle significatif dans la régénération tissulaire et expliquent l’amélioration produite par le traitement laser Er:YAG. Il sera nécessaire d’effectuer d’autres études sur les animaux ainsi que des études prospectives afin de déterminer de quelle façon le traitement laser fractionné induit les biosignaux qui inhibent la formation de CH.
Résection et radiation comme thérapie adjuvante Les approches chirurgicales varient selon le type de cicatrice. Dans le cas de chéloïdes, une simple excision chirurgicale mène à une synthèse plus rapide de la nouvelle MEC et produit une cicatrice plus large. De ce fait, on rapporte des taux de récidive élevés allant de 50 à 80 %. La tension mécanique exercée sur la plaie ou sur la cicatrice favorise l’angiogenèse et induit une cicatrisation excessive. Afin de prévenir la récidive de chéloïdes, l’excision chirurgicale avec radiothérapie postopératoire dans les 48 heures est amplement acceptée. Dans une cicatrice établie, les cellules ne prolifèrent plus très rapidement et la MEC est déjà déposée. C’est la raison pour laquelle la radiothérapie seule n’est pas efficace. En revanche, les cellules inflammatoires qui s’infiltrent pendant la cicatrisation initiale d’une plaie chirurgicale sont sensibles aux radiations et amplement éliminées par apoptose. Comme résultat de la réduction inflammatoire, la radiothérapie en traitement adjuvant peut empêcher la mauvaise cicatrisation en contrôlant la prolifération des fibroblastes et en stoppant le cycle cellulaire. Du point de vue clinique, la protection appropriée du tissu environnant est essentielle afin d’éviter une carcinogenèse provoquée par les radiations, ou d’autres effets collatéraux. On utilise principalement les rayons d’électrons qui peuvent atteindre une homogénéité élevée à la profondeur requise sans irradier les structures plus profondes.
À ce stade, une excision extra ou intralésionnelle dans les CH, suivie par une radiothérapie postopératoire précoce, devrait être aussi simple qu’efficace pour empêcher la récidive sur les sites d’excision. Il est cependant nécessaire de disposer de résultats sur le long terme, y compris sur la carcinogenèse, avant de la mettre en œuvre comme intervention médicale fiable.
Toxine botulique type A
BTXA est une protéine neurotoxique produite par la bactérie Clostridium botulinum ou espèces affines. Elle a été utilisée pour traiter l’hyperhidrose et la dystonie cervicale. Elle est donc sûre et son efficacité est établie. La BTXA a récemment été utilisée dans le traitement des CH par injection
dans la musculature sous-jacente à la plaie, ce qui a permis d’obtenir des résultats satisfaisants en réduisant la démangeaison et favorisant l’assouplissement de la cicatrice et la réduction des effets de contraction. La différentiation de fibroblastes à myofibroblastes diminue de façon significative après traitement par BTXA des fibroblastes de cicatrices hypertrophiques. La BTXA inhibe efficacement la prolifération des fibroblastes et leur différentiation en myofibroblastes, permettant
ainsi de réguler l’expression du TGFβ1 et des protéines de la MEC.
Bien que la BTXA exerce des effets inhibiteurs sur les « fibroblastes dans les cas de cicatrisation aberrante », elle ne présente aucun effet inhibitoire significatif sur les « fibroblastes dans les cas de cicatrisation normale », même en augmentant sa concentration. La concentration optimale de BTXA
par injection intralésionnelle est à ce jour inconnue et pourrait dépendre de la dimension ou de la gravité de la plaie. On peut en conclure que l’injection de BTXA pour les CH est une approche prometteuse qui mérite approfondissement.